Il est des fois où vous êtes vraiment fiers et heureux de connaitre quelqu 'un !!! Pourles neo- gones, Lolo Tissot est un des co-fondateur du Trail des Cabornis - il est toujours là pour nous filer la main !!!
Prenez vraiment 15mn pour lire son compte rendu d 'un des exploits les plus incroyables de la course à pieds. Ca donne la chair de poule !!!
Faites lui part de vos commentaires ça lui fera plaisir !
Raph
Tor Des Géants par Lolo
Depuis la présentation en aout 2009 sur le salon de l’UTMB de ce tour du Val d’Aoste je n’avais qu’une chose en tête : réaliser cette boucle. Un concours de circonstances m’a fait prendre le départ de l’UTMB2010 au lieu du TDG.
C’est donc au mois de février 2011 que je valide mon inscription pour ce TDG2011 et il ne fallait pas traîner puisqu’elles furent bouclées en 4 jours.
Cette saison sera donc entièrement axée sur ce TDG avec des courses qui seront placées comme préparation pour faire du volume. Je commence par l’Eco Trail de Paris en compagnie de Tof. Je suis surpris de ma perf sur ce parcours roulant. J’enchaîne avec une belle course sur le Trail de David dans le Beaujolais. Au mois de mai je ne pouvais pas rater le 10ème anniversaire du Trail de Tiranges avec une super fête chez Gui. Début juillet, je me rends sur St Claude pour courir la 1ère édition de l’UTTJ chez nos amis Jurassiens.
Je complète cette préparation par des sorties longues dans les Alpes et le Jura avec mes potes de ND2BR et un bloc de 3 jours début août sur le Tor en compagnie de Greg M.
Samedi matin nous prenons la direction de Chamonix en compagnie de mon assistance de choc (mes parents) et nous récupérons mon oncle Robert sur la route. Nous prenons mon ami Doubiste Luc (rencontré en 2001 sur le trail des Dombes) à Chamonix avant d’emprunter le tunnel. Nous arrivons à Dolonne, lieu connu des UTMBistes pour le retrait des dossards.
Les formalités remplies, je me dirige du coté de l’équipe scientifique pour réaliser différents tests (fatigue musculaire, tenue posturale…). Les mêmes tests seront réalisés à Donnas (1/2 parcours) et à l’arrivée.
Vu l’heure déjà avancée, nous décidons de rester sur Courmayeur pour participer à la pasta party. Nous partageons la table de toute l’équipe Jurassienne, l’ambiance est vraiment sympa. A 21h00, nous rentrons à Cham pour passer l’ultime nuit chez Luc. Une nuit un peu agitée comme toutes celles qui précèdent les courses. Il faudrait malgré tout bien dormir, car les suivantes seront sûrement souvent blanches.
Le matin, petit déj classique avant de défaire et refaire le sac pour la 10ème fois. A 8h15, nous prenons enfin la direction de Courmayeur, à l’entrée du tunnel je change de voiture pour monter avec Luc (mon pote triathlète de Lyon) qui est venu voir le départ et partager un bout de chemin avec moi.
On se gare dans les rues de Courmayeur où nous retrouvons ma cousine et toute sa famille (beaucoup de personnes à ma grande surprise se prendront au jeu du suivi live de cette course).
Le départ a lieu à 10h00 en plein centre ville. Nous nous rassemblons sur une petite place. Pour cette deuxième édition nous serons 478 à prendre le départ, du coup l’ambiance est assez intimiste. Je retrouve plusieurs têtes connues et pas mal de collègues. Il règne une atmosphère un peu particulière, mais l’envie de prendre la direction des montagnes après ces mois d’attente devient de plus en plus pressente.
10h00 précise, c’est parti pour l’aventure et quelle aventure 330 Km, 25000m+, 20 cols à plus de 2000 m dont un à 3300m.
Le départ est plutôt tranquille dans les rues avec une petite descente sur Dolonne.
Nous arrivons par contre rapidement dans le vif du sujet avec la première ascension du col de l’Arp (1300m+). Pour moi le principe est simple et il est le même depuis mon premier UTMB en 2004 (merci Luc pour les conseils) dès que ça monte on marche et on essaie de courir sur toutes les autres parties. Tout le monde est sur un bon rythme et je commence déjà à doubler des coureurs qui semblent avoir pris un départ un peu rapide. A mi pente un Japonais qui me précède est émerveillé par un troupeau de chevaux qui courent à nos coté. Nous sommes dimanche et pas mal de supporters sont montés nous encourager au passage du col. La descente sur la Thuile est relativement facile sans passage technique et sans trop de pente. Je porte une grande attention à ne pas m’exploser les cuisses dans les descentes car pour moi se sera une des clefs de cette course. Sur la fin de la descente je retrouve Luc venu à ma rencontre, il va faire un bout de chemin avec moi.
Je pointe à la Thuile en 25ème position et 2h33’, départ un peu rapide par rapport aux prévisions mais je suis bien. Après une descente, une montée, nous attaquons 1400m+ qui nous mènerons au Passo Alto, il commence à faire chaud et certains commencent à faire les frais de leur départ un peu rapide. Luc est émerveillé par les paysages magnifiques, entre montagne, glacier et lac de montagne. Nous nous quittons au refuge Deffeyes, je prends même la pose pour une Jurassienne devant le glacier du Thaborc (merci Mimi pour l’envoi des photos). Je retrouve déjà dans cette course l’ambiance de mes premiers UTMB avec les liens qui se tissent déjà entre les coureurs. Je monte en compagnie de Marco (une star locale de la haute montagne), et un Japonais.
La descente du Passo Alto est très technique avec de gros blocs, mais je me retrouve assez rapidement au ravito du bas qui va me permettre d’attaquer l’ascension du Col de Crosatie (2829m). La fin de cette montée est très pentue, j’encourage un coureur qui est un peu dans le dur sur le sommet. Il ne reste maintenant plus qu’à se laisser glisser jusqu’à Planaval où je vais retrouver mes coachs. De Planaval, j’attaque un faux plat montant de 5km jusqu’à Vagrisenche. Bonne nouvelle, j’arrive à courir sans problème et ne suis pas encore entamé par le début de course.
Je pointe à Valgrisenche (49ème km) en 17ème position et 8h24’. Je prends une assiette de pâtes et vais rejoindre la troupe sur un escalier dehors. Ce sera la seule base de vie interdite aux accompagnateurs, en effet pour l’instant les coureurs sont encore relativement proches. Je connais les 3 étapes suivantes (environ 150km) pour les avoir parcourues cet été avec Greg M.
L’étape qui se présente est limpide avec une succession de 3 cols. Quelques gouttes commencent à tomber mais rien d’alarmant. Je me dirige donc vers le premier que je vais passer de nuit, le Col de la Fenêtre (2800m). 600m avant le sommet je fais une pause au refuge de l’épée d’où je ressors en compagnie d’Enrico un Italien avec qui nous ferons un bon bout de route pendant ce Tor. 400m avant le sommet nous sortons les vestes et les gants. La pluie redouble de violence, les éclairs nous éblouissent et le tonnerre nous fait encore accélérer le rythme. Je n’ai jamais eu peur comme ça en montagne. Nous atteignons le sommet et attaquons une descente très raide et dangereuse sur le sommet. Nous décidons de rester ensemble jusqu’en bas malgré l’arrêt de la pluie. Dans la pente, je profite de la lampe de Christophe L. (un super éclairage qui permet de reposer un peu les yeux).
Nous arrivons à Rhêmes N.D. en 15ème positon et 11h50’. Nous nous serrons la main, heureux d’être arrivés en bas et nous nous souhaitons bonne chance pour la suite. Je prends le temps de bien me ravitailler avant d’attaquer la suite. Je ressors seul du ravito en direction du col d’Entrelor qui culmine à 3000m. Je suis sur un bon rythme dans ce col qui monte régulièrement mais arrivé à 2800m le cœur commence à taper et j’ai vraiment du mal à atteindre le sommet sous des trombes d’eau. A la bascule, je profite de la cabane des secouristes pour m’allonger 5’ et boire un verre de coca. Après ce petit repos, je reprends mon chemin qui va me conduire à Eau Rousse. Tous les voyants sont au vert, je suis bien dans la nuit sur ce chemin qui longe un torrent. La fin est un plus raide et je pointe au ravito d’Eau Rousse en 14ème position en 15h43’. Les bénévoles sont d’une gentillesse et d’une attention incroyable avec les coureurs. A ma surprise le sommeil commence à se faire sentir et je décide de m’allonger quelques minutes dans l’hôtel collé au ravito. 10’ durant lesquelles je me passe la suite du parcours dans la tête. La pluie a cessé et je décide de repartir avec une veste plus légère. Mes trois assistants sont toujours aux taquets.
La suite du programme est plutôt corsée avec le passage du Col Loson à 3300m, point culminant de la course. Nous rentrons dans la réserve du Grand Paradis, lors de la reco du mois d’août, nous avions vu des troupeaux de chamois et de jolis spécimens de bouquetins qui caractérisent bien ce parc national. L’approche du col est relativement facile avec une longue montée en lacets. Par contre la fin est plus pentue et à ce moment là que je prends mon premier gros coup de pompe. Plus de jus, sommeil, le cœur qui monte dès que je relance. Il me reste 300m+ à gravir et ce sera le moment le plus dur de la course, 3 coureurs me passent et m’encouragent. Enfin le sommet n’est plus qu’à quelques mètres et comme par miracle, le jour commence à pointer. 2 bénévoles se trouvent de l’autre coté pour effectuer un pointage et nous remonter le moral. Rapidement, je range la frontale et j’arrive au refuge Sella où je prends mon petit déj. Il reste 700m- pour arriver à Cogne. Durant la descente nous avons une magnifique vue sur le Grand Paradis (lieu rêvé des Alpinistes et Skieurs).
Dans le village de Cogne Didier F. est venu à ma rencontre. Il m’accompagne jusqu’à la base vie. Je pointe en 16ème position en 22h13’. Il est donc 8h13’ et une belle journée s’annonce. Après une bonne assiette de pasta, Robert me masse. Les pieds n’ont pas soufferts pour l’instant. Je reste 41’ au ravito et repars en 12ème position.
Robert fait les 3 km de plat jusqu’à Lillaz avec moi avant de me laisser gravir le col de la fenêtre de Champourcher. Dans la grimpée, je double Eric A. qui fera une super course. C’est un long faux plat montant jusqu’au refuge Sogno. Les gardiens du refuge nous accueillent avec un ravito personnel (quiche, crème au chocolat..) qui nous change un peu. Marco démarre juste devant moi pour attaquer les 300 derniers m+. J’atteins le sommet (2827m) sans soucis, mon problème avec l’altitude commence juste au dessus.
Une longue descente (1400m-) va maintenant nous conduire à Chardonnay. Nous sommes toujours au milieu de décors merveilleux avec le passage à côté du lac Miserin. La fin de la descente sur Chardonnay est moins agréable avec d’énormes marches et une pente qui s’accentue. J’effectue celle-ci avec Marco qui est accompagné par un collègue. Je le lâche un peu sur la fin car il souffre dans ces passages pentus. Chardonnay, je retrouve mes assistants qui sont comme tous les bénévoles aux petits soins pour moi.
Je passe 10ème en 28h41’, j’ai parcouru 129km, il n’en reste donc plus que 200 !!! Les 20 km qui nous mènent vers Donnas sont dans l’ensemble descendants avec de bons coups de cul. Le chemin sur cette section est très difficile avec beaucoup de marches. Je commence à ressentir une douleur derrière le genou à chaque fois qu’il faut franchir une de ces marches (tendinite). La température est bien montée à l’approche de Donnas dans le fond de vallée à 300m d’altitude.
Je retrouve Robert qui est venu à ma rencontre pour faire les derniers km jusqu’à la base de vie.
Je rentre dans la base en 10ème position en 31h45’, nous sommes au 150ème km, il est 17h45’. Au départ dans mon plan de marche, j’avais prévu de dormir 1h00. Je mange, discute avec Gui M. qui est là pour les tests. Je préfère ne pas effectuer ces tests à mi-parcours et me contenterai de courir sur le tapis. Petite douche rapide mais réparatrice, passage chez le médecin pour les ampoules et la tendinite. Je remplis mon sac pour la nuit avec des habits un peu plus chauds et vais me coucher. Au bout de 15’ je suis debout, trop chaud, trop de bruit et un parcours qui continue de défiler dans ma tête. Je décide donc de repartir après 2h02’ d’arrêt. Cette pause sera d’ailleurs la plus longue du parcours.
J’attaque la bosse qui me mène à Perloz en compagnie de Didier. Il fait chaud, très chaud, rapidement je dois allumer la frontale. La montée sur Perloz est courte mais raide, les bénévoles secouent les cloches à chaque nouvelle arrivée. Nous descendons ensuite dans le trou pour traverser la rivière et de là nous attaquons la plus longue ascension de la course qui nous mènera au refuge Coda (1700m+). Cette montée est très raide jusqu’à l’Etoile du Berger avec des marches énormes. Nous traversons de petits hameaux, les chiens hurlent au passage de chaque coureur sans doute pour les encourager. Le sommeil commence à m’envahir après 3 heures dans le noir, je décide de faire une halte à l’Etoile du Berger, les bénévoles me demandent de monter jusqu’au refuge Coda où tout est prévu pour dormir. Je bois donc un café pour tenir le coup et m’enfuis dans la nuit pour les derniers 900m+. Cette partie est difficile mais avec la pleine lune qui illumine le paysage, tout devient magique. Rapidement je rejoins le refuge Coda après un magnifique passage en crête. Le passage à Coda est significatif car il se situe au 166ème km soit la moitié du parcours. Je plonge dans un lit et demande à être réveillé 1h30’ plus tard. Après ce repos, je suis debout avec l’impression de ne pas avoir fermé les yeux. J’ai froid, j’avale un, puis 2 cafés, mange quelques biscuits.
Il faut repartir seul dans la nuit pour un des passages les plus longs de la course qui me mènera à Niel. Le tracé est assez facile jusqu’au Lago Vargno où je rejoins l’Italien qui m’avait accompagné durant 2 cols lors de la première nuit. Il se ravitaille. Nous décidons de repartir ensemble pour rejoindre Niel, mais rapidement Enrico lâche prise. Au lever du jour, je réveille 2 bénévoles qui ont passé la nuit sur des lits de camp, perdus au milieu de nulle part. Un coin de paradis, j’en profite pour faire mon petit déj et discuter 10’ avec ces 2 personnes. Je repars tranquillement et je passe un coup de fil à Karine. Là, je lui avoue enfin que c’est vraiment un truc de fou (beaucoup le pensaient avant que je prenne le départ) mais tellement énorme. Enrico me rattrape dans la difficile montée du col de Marmantana. Nous effectuons ensemble toute cette partie qui n’en finit pas et qui va nous emmener jusqu’à Niel. Lors de notre reco, nous avions bien vu que cette partie était interminable. Mais quelle joie quand nous apercevons sur notre gauche le petit village de Niel. Petite tape amicale avec mon camarade Italien et je retrouve ma petite troupe. Greg repart de Niel avec une tendinite sur le genou qui l’empêche de descendre. Kenny son kiné me soigne les ampoules. Je mange un plat de pâtes et décide de profiter du lit de l’hôtel dans lequel mes parents ont passé la nuit, pour m’allonger 10’, sans succès pour le sommeil.
Je décide donc de partir à l’assaut du col de Losoney, je souffre de la chaleur dans ce col que je gravis à midi. Dans la descente, je récupère mon collègue Italien mal en point, il enlève ses chaussures. Passage au ravito de Oberloo, les bénévoles sont extras, ils proposent plusieurs sortes de fromage du coin, mais l’arrivée est encore loin et il est temps de repartir. La fin de cette descente est raide et je commence vraiment à être gêné par les ampoules (sans doute la chaleur qui fait gonfler les pieds). Au bas de la descente il reste 3 km de faux plat sur le bitume pour rejoindre la base de vie de Gressoney. Je me retrouve sur cette portion avec Ludo F. un Vosgien avec qui nous jouerons au chat et à la souris pendant quelques dizaines de Km.
A Gressoney, je pointe en 14ème position en 52h41’ au 200ème Km. Je me rends compte à ce moment que je viens de battre mon record de distance et qu’il me reste 130km à parcourir.
A l’entrée dans le gymnase, je retrouve Greg qui se fait soigner. Rapidement nous décidons de repartir ensemble, et si son genou par miracle ne le faisait plus souffrir et que j’arrive à tenir son rythme en montée nous pourrions aller au bout ensemble, enfin ça fait beaucoup de si.
Une fois restaurés et réparés nous repartons tranquillement en marchant sur le plat avant d’attaquer la montée sur le refuge Alpenzu, montée assez raide mais qui passe bien. Je pointe à Alpenzu et demande aux bénévoles nos places au classement, ils me répondent 9 et 10. Greg n’en revient pas, mais comme souvent dans cette course les places se perdent et se gagnent sur les arrêts. Pour la première fois de la course, je commence à penser que je peux rentrer dans le TOP10.
Mais la course est encore longue et cette nouvelle montée vers le sommet du col Pinter est magnifique. Nous arrivons au col assez rapidement et sommes encouragés par 2 personnes en balades. Je laisse Greg attaquer la descente mais au bout de 5 pas et à son grand désespoir, il me dit que la douleur au genou n’est pas gérable. C’est donc avec un gros pincement au cœur que je le laisse en lui promettant de me battre pour aller chercher une place dans ce TOP10. A mi pente Ludo me rattrape et je le laisse passer, il descend un peu plus vite à cet instant. Je suis aussi rattrapé par le promeneur qui se trouvait en haut du col. Nous effectuons un bon morceau ensemble, il est pisteur dans le coin et m’informe sur les stations de ski de la région. Nous atteignons le hameau de Cunéaz et nous sommes interpellés par une personne qui veut nous faire rentrer dans son restaurant. C’est un ravito sauvage, mais qui lui tient à cœur, nous sommes accueillis par une gentille jeune femme qui nous propose de nous mettre à table et nous servir ce que l’on souhaite, j’ai l’impression d’être dans un rêve. Je mange en compagnie de Ludo, nous sommes bien, mais la course est là et il faut déjà repartir (j’ai pris l’adresse bien sur).
Je saute donc le ravito suivant qui se trouve 2 km plus loin. Le chemin qui nous emmène jusqu’à St Jacques est assez long avec de la grande piste forestière, la nuit est tombée et j’ai sorti ma frontale pour la 3ème fois déjà. La fin de la descente est un peu plus raide avec encore pas mal de marches. St Jacques, des bénévoles toujours d’une gentillesse incroyable, prêts à vous faire cuire n’importe quoi. Je mange une bonne soupe aux pâtes et tente d’aller dormir quelques minutes mais le bruit du torrent fait tout sauf me bercer.
Je décide donc de repartir en 9ème position à 21h45’ pour passer ma 3ème nuit en course. Cette ascension nous permettra d’atteindre le col di nana en passant par le refuge du Toumalin. Cette bosse éclairée une nouvelle fois par la pleine lune passe tranquillement. Les bénévoles surveillent les frontales des coureurs au loin et nous accueillent en secouant les cloches en pleine nuit (encore un moment magique). Deux espagnols (qui deviendront plus tard mes compagnons de route) dorment dans ce refuge. Je discute 10’ avec les bénévoles et pars dans la nuit en compagnie de l’un d’entre eux qui parcourt quelques centaine de mètre avec moi (vous êtes trop sympas habitants du Val d’Aoste). Le col est passé sans trop d’encombre, mais la descente sur Valtournanche est interminable. A ce moment je commence à être légèrement entamé et c’est avec une immense joie que je rentre dans la base de vie. Mes supporters sont couchés sur les lits de camps et Didier lui m’attend tranquillement dans un fauteuil de cinéma. Les bénévoles vont sonner le réveil dans la salle de repos pour mes coachs. Ils m’attendaient un peu plus tard. Deux grosses assiettes de pâtes avec un peu de gâteau de semoule à 3h00 du matin viennent colmater mon estomac. Je prends la direction des soins pour mes pieds, je tombe sur une super équipe avec un médecin très méticuleux qui va me torturer mais faire un excellent travail. Un secouriste va faire office de masseur et terminer en me posant de la glace sur les genoux. J’en profite pour rester allonger quelques minutes sur la table. Je décide enfin de me relever et me dirige à nouveau du côté du ravito, bois un café et retrouve les 2 espagnols qui se restaurent. Un des deux veut repartir avec moi, mais le deuxième hésite entre abandon et sieste. On le motive et au bout de 5’ il se décide de nous suivre.
Nous attaquons l’étape N°6, d’après Greg, c’est l’étape de la mort la plus dure, pas de gros cols mais un grand nombre qui se suivent de près. Nous quittons la base à 4h30’ pour une bosse de 700m+, je donne le rythme dans montée et rapidement le sommeil m’envahit. Je n’avance plus, mais mes compagnons sont encore moins en forme que moi et nous nous octroyons quelques poses pour atteindre le refuge Barmasse. Je demande immédiatement l’endroit pour dormir mais les gardiens du refuge nous stipulent que ce n’est pas prévu. J’insiste et finalement il nous autorise à nous poser dans une pièce sur les canapés. Au bout d’un quart d’heure de repos, je décide de reprendre mon chemin, un seul des deux espagnols m’accompagne.
Le jour se lève et la fraicheur qui l’accompagne m’apporte une énergie incroyable pour attaquer cette 4ème journée. Au train et sans le vouloir je perds rapidement mon compagnon de vue. J’ai l’impression d’être sur un petit nuage, je cours sur les plats, je monte facile bref je suis sur une autre planète. A ce moment je me pose vraiment des questions sur la résistance du corps humain. Mais cette section est vraiment éprouvante, on a l’impression d’être dans des montagnes Russes.
Soudain le sommeil me gagne je décide de me poser sur un rocher en plein soleil, je programme le réveil pour 10’ et m’endors. Je suis réveillé par un Italien (Giancarlo) accompagné par un de ses collègues. Ils viennent prendre de mes nouvelles, nous partageons une banane et m’invitent à continuer la route en leur compagnie. Le train est soutenu, mais je tiens bon, lorsque soudain un hélicoptère avec caméraman et photographes s’approche de nous. Giancarlo est à ce moment 1er Italien sur la course. L’hélicoptère lui met un coup de booste et la vitesse augmente rapidement. Je serre les dents, ce sera encore un moment magique. L’hélico se pose un peu plus loin, les photographes courent à nos cotés en nous encourageant.
Un peu plus loin mon Giancarlo change de Partner et nous récupérons deux nouveaux accompagnateurs. Ils m’encouragent pour que je puisse rester en leur compagnie. Je lâche un peu en descente mais fais mon retard pour venir pointer avec eux au refuge Cuney, je suis 10ème en 73h00. Pas de pasta mais une bonne soupe de pâtes, une petite photo avec les amis du moment et c’est reparti. Giancarlo tient toujours un bon rythme et dans un col je le laisse partir et lui souhaite bonne chance pour la fin. Un peu plus loin l’espagnol qui était avec moi en début de nuit me rattrape, il a repris la forme et marche sur un bon rythme. J’arrive au bivouac Clerlont dernier ravito avant d’entamer la très longue descente qui nous conduira à Closé. Une ampoule commence vraiment à me faire souffrir, je demande aux bénévoles s’ils possèdent une trousse de secours. Après 5’ de recherche il revient avec son opinel, mais je refuse l’opération (mais tout partait d’une bonne intention). Je partage leur repas et une bonne salade de tomate me change un peu des pâtes et autres charcuteries.
Je prends la direction du col Vessonaz sous leurs encouragements. Je passe le col, il fait chaud et le début de la descente est très pentu. Les ampoules commencent vraiment à chauffer et les douleurs sur les tendons rotuliens me piquent un peu les genoux. Cette descente sera sans doute la plus dure du parcours. Le sommeil me tombe une nouvelle fois dessus lorsque la pente s’adoucie. Je lutte, mais rien à faire il faut s’arrêter. Je fais donc une nouvelle pause de 10’ et au réveil je me retrouve face à une personne. Pour la première fois de la course je suis tombé dans un sommeil profond, et je me demande ce que je fais ici. Après avoir repris mes esprits je continue mon avancé en direction de Closé.
Un peu avant d’avoir atteint le ravito, Robert est venu à ma rencontre, encore un petit effort dans une dernière bosse et nous voici à Closé. Je pointe en 10ème position en 77h26’, pour environ 271km. Petit calcul rapide il reste donc 60km avec 3 grands cols à franchir. Le ravito de Closé n’est pas une base vie donc ravito classique mais cette étape était vraiment longue et l’apport d’aliments solides à ce moment est vraiment pour moi indispensable. Ma mère est donc passée de l’autre coté du ravito au fourneau de l’organisation et me fait cuire une casserole de pâtes. Encore un moment inoubliable où nous vivons des scènes magiques. Je repars donc le ventre bien rempli en direction du col Brison. Le début se trouve à l’ombre des sapins et rapidement nous sortons de la forêt pour nous retrouver au soleil, il fait chaud mais tout va bien. 300m avant le col nous avons droit à un pointage avec un petit verre de coca. Les derniers mètres qui nous mènent au sommet sont comme d’habitude un peu plus raides. A la bascule je commence à courir et contrairement à la descente précédente ne ressens plus les mêmes douleurs. Au bilan, je fais une belle descente et en arrivant sur Ollomont, je surprends mes supporters qui ne m’attendaient pas aussi tôt. Je pointe 11ème en entrant en 81h08’ – 284km de parcourus. J’en profite pour prendre une nouvelle assiette de pâtes avec un tout petit verre de rouge, mais je ne traîne pas trop sur cette base de vie. Il fait encore jour, un petit tour au camion pour m’équiper pour la 4ème et dernière nuit. Je perce une ampoule qui vient de réapparaitre sur un orteil, change de collant, m’équipe de la frontale.
A la sortie d’Ollomont je pointe 8ème, je suis resté 41’ sur la base mais je fais encore abstraction de la place. Dans la tête je me programme un trail de 48km pour 2900m+, des trails de début de saison qui me conviennent et que je suis capable d’avaler entre 5 et 6h00. Je serai accompagné sur cette section par Robert pour des questions de sécurité. Je resterai toujours devant pour ne pas prendre de faux rythme. Rapidement dans le col le sommeil me gagne, nous croisons un Italien qui est venu rendre visite à Giancarlo. Nous lui indiquons qu’il doit être au moins une bonne heure devant, il est un peu déçu et fait un bout de chemin avec nous. Je décide de me coucher au bord du chemin mais le terrain est en pente et très inconfortable, je prends donc la décision de poursuivre. J’arrive à proximité d’une maison non habitée, je pousse un peu des morceaux de verre et m’allonge sur ce sol. Au bout de 5’ quatre frontales se présentent à mon niveau, c’est Giancarlo qui s’était couché 1h à Ollomont, il me pousse à repartir avec lui pour rejoindre le refuge de Champillon. Nous atteignons rapidement ce refuge, je fonce dans un lit de ce refuge 4 étoiles où nous sommes accueillis une nouvelle fois comme des rois. Après 10’ de repos je prends un café, petite discussion avec les bénévoles qui jouent au poker et qui me proposent un génépi, je ressors reposé, prêt à en découdre avec cette avant dernière ascension. Robert est en admiration devant ces montagnes illuminées par la lune. Nous atteignons le col Champillon et basculons pour une des dernières fois face à la pente. 900 mètres plus bas nous arrivons au point de contrôle de Ponteille Desot. Là ils nous annoncent 2h pour rejoindre St Rhémy Bosses.
Ce sera la partie la plus monotone de ce périple avec un long chemin blanc qui n’en termine jamais. Sur la fin dans un village à 2km de St Rhémy je réveille mon collègue Espagnol qui dort sur un escalier. Il se lève et repart avec nous, à ce moment là pas de discussion, un seul objectif rallier le point de contrôle au plus vite pour dormir. L’Espagnol demande 2h de sommeil, moi j’annonce 20’ (mais ne dormirai que 15’) il hésite mais il est trop fatigué pour repartir avec moi. En ressortant du camion mon estomac réclame à manger mais au ravito rien ne m’inspire. A ce moment un secouriste me tend un sandwich au jambon (du village s’il vous plait) qu’il s’est préparé pour le lendemain avec du fromage de pays. Une fois de plus je suis sous le charme de tous ces bénévoles.
Je quitte St Rhémy et cette fois je sais que la prochaine fois que je verrai mes parents ce sera pour couper la ligne d’arrivée. Dans ma tête sauf accident plus rien ne peut m’arrêter, nous partons donc tranquillement en direction du col de Malatra. Jusqu’au ravito de Merdeux la pente est douce et la lune semble nous indiquer la direction. Je profite de l’arrêt à Merdeux pour m’allonger 10’ pendant que les 3 jeunes bénévoles jouent au poker. Nous discutons 5’ en buvant un café. Je prends la direction du col de Malatra et m’aide du GPS pour trouver ma direction (les balises ont été mangées par les vaches !!). Le jour commence à pointer et le spectacle qui s’offre à nous est magnifique avec toute une chaîne qui devient orange vif et de l’autre le col qui apparait. La fin de celui-ci est un peu plus raide avec quelques cordes. Une fois de l’autre coté nous avons une superbe vue sur le Mt Blanc. Cette fois terminé avec les cols. Je me lance dans la pente en direction de Bonatti (doucement car à ce moment de la course mes 2 tendons rotuliens me font souffrir le martyr). Robert est là pour m’encourager mais à chaque pas la douleur s’intensifie. Je ne peux que marcher jusqu’au refuge Bonatti. Enfin j’ai le refuge en point de mire, à proximité aucune indication pour le pointage. Je rentre quand même dans ce lieu bien connu des UTMBistes. Il y a bien un pointage, la propriétaire m’offre un expresso, je lui préconise d’être plus attentive pour les suivants qui ne connaitront peut être pas les lieux. Je quitte l’endroit en 7ème position il est 8h28’ en ce jeudi matin. A ce moment, je sais que je ne pourrai pas réaliser mon rêve boucler ce tour en 96h00. Mais je peux m’en approcher et boucler cette merveilleuse aventure. Nous repartons tranquillement avec Robert en direction de Bertone. Je connais ce chemin par cœur mais dans l’autre sens, nous flânons lorsque soudain le téléphone de Robert sonne (Sam vient d’annoncer à mon père que 2 Italiens ont pointé à Bonatti 30’ derrière moi). Pour la première fois de la course je décide de garder ma position, une 7ème place dans une course aussi prestigieuse, l’occasion n’est pas prête de se représenter.
Je pars donc comme une flèche pour défendre cette place, à ce moment je suis surpris par la résistance du corps humain qui me permet de courir dans les faux plats montants après 322km. Encore désolé Robert, mais je ne pouvais pas prendre de risque. Le sentier qui me mène à Bertone est interminable. Je pointe à Bertone et enquille la descente au taquet, je souffre des genoux et des ampoules, mais je serre les bâtons et les dents. Je me retrouve rapidement en bas, passe le pont et me retrouve sur le bitume. Cette fois plus rien ne peut m’arriver, je sors le téléphone passe un coup de fil à Karine, je suis bien, heureux, encore 1 km et l’aventure sera terminée. J’aperçois au loin Didier venu à ma rencontre.
Je rentre dans Courmayeur ce jeudi matin, je coupe cette ligne d’arrivée que je m’étais mémorisée 4 jours auparavant en 96h28’ à la 7ème place. Mes parents sont là, heureux pour moi. Petite interview sympa du speaker. Signature de l’affiche, et au moment de déboucher le champagne, mon père est stoppé dans son élan par la personne en charge de réaliser les tests. Et oui, la course n’est pas totalement terminée, il faut encore se faire torturer.
Nous avons retrouvé Robert pour boire le champagne, retour sur la ligne d’arrivée pour prendre quelques photos et nous prenons la direction d’une pizzéria. Au retour dans le camion, je n’arrive toujours pas à trouver le sommeil. Je passe 2 jours à la maison à me traîner de pièces en pièces et en passant le temps à lire tous les SMS reçus pendant et après la course ainsi que tous les mails et suivi live sur le site des ND2. Je n’aurais jamais pensé qu’une course puisse déclencher autant de passion.
Le dimanche matin nous prenons la direction de Courmayeur avec toute ma petite famille pour la remise des lots Finisher. Nous sortons de la voiture sous la pluie. Nous retrouvons Yann et Marie qui ont fait le déplacement, la famille Fion et un peu plus tard mon pote Silvio avec toute sa famille. Le protocole démarre à 11h00, les podiums s’enchaînent et nous arrivons au podium V1, et oui je termine 3ème derrière Eric A. et Giancarlo A. Je remonte une nouvelle fois sur le podium pour le trophée des nations où nous terminons à la 1ère place avec la France en compagnie de Chistophe Le Saux et Eric Arvieux. Un grand moment dans ma petite carrière de sportif lorsque retentit « La Marseillaise », j’ai l’impression d’être dans un rêve. Encore un super moment en fin de protocole lorsque nous nous retrouvons une dizaine à porter Jules Henri et Anne Marie. Un buffet est proposé et il est déjà temps de quitter cet endroit magique. Une petite pizza pour terminer la journée et au revoir Courmayeur et le Val d’Aoste.
Je garderai un souvenir gravé à jamais dans ma mémoire de sportif comme le passage en haut de L’Izoard lors de l’Embrun man 1999 et le passage de ligne d’arrivée de mon UTMB 2006.
Une semaine s’est écoulée et j’ai encore du mal à retomber sur terre, les douleurs commencent à diminuer et l’envie de repartir est déjà présente, où ?, je ne sais pas mais certainement vers les montagnes.
Ce CR était certainement un peu long mais bon la course a quand même durée 4 jours, alors merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
Je vous remercie tous pour votre soutien.
Merci à Karine et aux enfants pour m’avoir soutenu et encouragé durant cette année 2011.
Merci à mes parents et Robert pour le suivi et l’accompagnement sur la course.
Merci à toute l’équipe des ND2BR pour le suivi sur le site.
Merci à tous mes partenaires d’entrainements.
Merci à tous les amis qui ont soutenu Karine pendant la course.
Merci à Vincent et Fred pour le camion.
Merci à toute la famille qui pour certains ont fait le déplacement.
Merci à Luc et Didier pour avoir partagé un bout de chemin ensemble.
Merci à Luc pour le logement sur Chamonix.
Merci à tous les potes pour le prêt du matos.
Merci à la famille Millet pour le soutien logistique au mois d’août et tous les conseils (Greg et Gui).
Merci à Xavier de chez TECHNICA pour le matériel.
Merci à Nono de chez Running Conseil pour son soutien depuis des années.
Merci aux collègues de travail pour les charentaises le lundi matin.
Merci à Yann, Marie, Didier, Sylvio et sa famille pour leur déplacement sur Courmayeur
Enfin un GRAND MERCI à tous les bénévoles du VAL d’AOSTE sans qui rien n’existerait.
Un grand Bravo aux 301 finishers de cette 2ème édition : Luc- Greg- Pilou- toute la bande de Jurassien- JHG- Tous les amis rencontrés sur les chemins.
A J+7 l’envie de repartir me trotte déjà dans la tête. A suivre et à bientôt sur les chemins….